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L'amoureux de l'Amour

de Léonard Garvache

Belles soirées parisiennes qui m'évoquent autant de joyeux esprits et de beuverie. Il n'est pas impossible d'y rencontrer de galantes dames et d'orgueilleux messieurs. Si elles savent se montrer galantes et distinguées, ce n'est que pour habiller leur habile manie de lever la jupe quand la nuit vient à tomber. Et ces hommes, que Dieu se bouche les oreilles ! Oh ces hommes plein d'orgueil et de prestance, qui ne parviennent à se tenir qu'à l'aide d'un bon bourbon, presque trop bon d'ailleurs, car ils s'empressent de nouer leur dernier bouton de veston. J'ai plaisir à les regarder, autant qu'à savourer un pain fourré. Je ferme les yeux et attaque à pleine dent la mie encore croustillante à l'extérieur, et tendre à l'intérieur. Que vais-je découvrir alors ? De la viande hachée menue ? De la confiture d'abricots ? Ou alors une pâte défraîchie qui ne devrait même plus être en vitrine ?


Il est plaisant d'observer ces bonnes gens à leur insu. Remarquer le regard ému d'une marquise qui ne sait comment mettre en valeur son balcon déjà garni d'un joli collier de diamant. Elle s'avance, puis recule. Elle tourne et ondule. Elle s'évente pour se donner de l'air. Elle sourit, retient un rire mal convenu. Elle finit enfin par s'approcher de sa proie en lui citant les plus beaux vers de son répertoire. Elle parvient enfin à l'intriguer, ce qui entame une conversation digne des plus grands philosophes. Un « je le dis », un « je ne le dis pas ». Un « j'insinue », un « je sous-entends » et pour finir, un « je te veux, dans mon lit, ce soir, lorsque les regards auront autre chose à observer que ce qui les entoure ». Elle gagne la manche. Sans se rendre compte que son partie de jambes en l'air jouait aussi.


Les plus tendres et somptueusement juteux sont sans aucun doute les valets. Si discret, si invisible, si dissout dans la masse qu'il est aisé de les dérober et de les restituer sans aucun témoin oculaire. Ils sont si précieux à mes yeux. Ils sont même la crème de la crème. Une invention des plus pratique, car fatalement révélateur. Si l'on prend celui-là, qui rapporte tranquillement les derniers hors-d'œuvre. Il semble éperdument pris par son emploi. Il ne relève que rarement le regard de ses plats. Il fixe avec raideur et une quasi-solennité les quelques langoustines qui se cambrent pour attirer les regards. Mais si on le fixe suffisamment longtemps, on comprend alors d'où les langoustines tirent leur exemple. Quelle prestation pudique, mais délibérée nous offre le valet ! Splendidement effectuée ! Il n'y a rien à y redire. Quelque allée-retour de plus et le voilà qui ose enfin relever la tête. Est-ce de la timidité ? Ou une chaste demande ? On pourrait le formuler en toutes lettres "Veux-tu de moi ?"


Mes yeux s'ouvrent grands et brillent de plein feu. J'ai comme l'impression d'avoir une fanfare dans la tête, dont les échos résonnent sur ma boite crânienne. Je transpire à grosse goutte et sens comme une fontaine qui s'aménage sur ma poitrine. Je dépose alors brutalement mon verre sur une table, en l'accablant de ma situation. J'entreprends de sortir m'aérer l'esprit, lorsque j'observe le jeune valet s'éclipser avec son orgueilleux et pourtant si prestigieux butin.

L'amoureux de l'amour

Bonjour chères lecteurs ! Je suis heureuse de vous présenter aujourd'hui ce petit bijou ! J'ai été agréablement surprise de cette découverte et l'ai lu à plusieurs reprises pour bien en saisir toutes les nuances. Un vrai régal ! J'espère que vous partagerez mon avis. 
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Nils K.

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